Les chiffres parlent d’eux-mêmes, 700 000 élèves sont victimes d’une forme de harcèlement chaque année d’après l’observatoire de la santé (https://www.observatoire-sante.fr/harcelement-scolaire-chiffres-causes-et-consequences/ ), que ce soit dans leur établissement, à l’extérieur ou via les réseaux sociaux.
C’est une thématique sensible qui n’est pas facile à aborder en milieu scolaire en raison du poids du jugement et des conséquences que des aveux peuvent entraîner.
Au collège Maxence Van der Meersch du Touquet Paris Plage, une équipe d’enseignants a décidé de traiter cette problématique d’une manière différente, à l’aide de la réalité virtuelle.
La genèse du projet :
Séverine Poc, enseignante d’anglais et formatrice a eu un déclic en regardant un reportage aux Etats-Unis qui montrait comment la vidéo pouvait aider à trouver des solutions à des problèmes graves, le harcèlement bien sûr, mais aussi la détresse psychologique, voire le suicide.
C’est elle qui a lancé l’idée de filmer en 360 degrés des saynètes jouées par les élèves de 4e et de 3e pour que ceux qui visionneraient le film ensuite, vivent ce que les harcelés ou les harceleurs ressentent.
C’est un des aspects que la réalité virtuelle peut apporter : en effet, elle permet une immersion du participant dans une scène et son cerveau a alors l’illusion qu’il s’y trouve. Plus que spectateur, l’élève devient témoin et peut se sentir touché.
Une visite de suivi de projet au mois de juin
Le jeudi 3 juin, une visite est programmée pour voir le résultat de cette action. Dans la salle des conseils, des élèves sont prêts, ont sorti des casques virtuels prêtés par la DANE de Lille et sont sur le point de mener un mini atelier autour de la thématique de la souffrance liée au harcèlement.
Une classe d’élèves de quatrième entre et se prête aux jeux des questions réponses. Ils interagissent volontiers, guidés par les relances pertinentes des animateurs.
Après ce temps d’échange, les élèves sont invités à regarder les films réalisés à l’aide d’une caméra à 360 degrés en trois langues, anglais, français et espagnol et peuvent ainsi tester les casques OCULUS.
Les autres, guidés par les animateurs, réfléchissent autour de posters ou font des mots mêlés et poursuivent la conversation en petit comité.
A la fin de chaque session d’une heure, les élèves de troisième ont indiqué que les quatrièmes devaient s’emparer de la thématique l’année suivante, tels des passeurs de témoins.
Pour le spectateur, l’émotion est palpable d’entendre les jeunes se confier sur des problématiques graves.
Le processus :
Pour en arriver à cette réussite, les enseignants de ce collège qui s’intéressent beaucoup aux thématiques autour du bien-être, ont sollicité une FEE (formation en établissement) autour de la réalité virtuelle.
Ils ont appris à se servir des casques et de la caméra à 360 et ont ébauché leur projet dès le mois de janvier.
Dès la rentrée d’ailleurs, une comédienne est venue faire un atelier pour favoriser l’éloquence et la prise de parole en public et aider les élèves à prendre confiance.
Ensuite, une équipe de professeurs et de personnels s’est mobilisée et ont travaillé en langues vivantes, en français et en SVT pour croiser les contenus.
En mathématiques, les résultats des questionnaires publiés sur l’ENT et destinés aux élèves ont été analysés afin de produire des statistiques sur la réalité du harcèlement dans le collège.
En musique, les élèves ont écrit des slams. Une écriture rythmique et exigeante qui colle bien à la thématique.
Une cohésion d’efforts de la part de nombreux enseignants qui témoigne de l’attrait qu’a suscité ce projet intitulé « Dans les yeux de l’autre« .
L’articulation dans l’établissement a été faite autour de l’équipe de direction, la CPE, l’infirmière et l’assistante sociale. Au CDI, une collection d’ouvrages sur le harcèlement a été constituée afin de continuer la réflexion tout au long de l’année.
Tout ce travail a abouti à une présentation très complète sur les tenants et les aboutissants du harcèlement sous toutes ses formes et ses conséquences délétères sur la santé du jeune, à court et moyen terme.
Cet angle de travail est très intéressant car la transmission des informations se fait de pair à pair : pas de faux semblant, et beaucoup de parler vrai.
Les élèves voient aussi l’implication des autres élèves dans ce projet ce qui lui donne toute sa légitimité.
L’équipe d’enseignants réfléchit à un travail d’édition de vidéos un projet de « La vidéo dont vous êtes le héros » pour permettre aux participants de prendre une décision en actionnant un marqueur : aider, s’en aller, trouver de l’aide…Ce projet pourrait prendre forme dès la rentrée prochaine.
Les plus-values du projet
On pourrait se dire que la réalité virtuelle n’est pas adaptée pour ce type de problématique car elle place l’élève dans un monde artificiel.
En fait, il s’avère que les classes sont placées dans des situations très concrètes :
- Écrire et apprendre un texte et le jouer face caméra.
- Travailler sur son trac.
- Préparer une intervention et parler en public.
- Animer et relancer le débat.
- Faire confiance à ses camarades et trouver des solutions ensemble.
Les outils numériques ont permis, comme souvent, une mise en pratique de nombreuses compétences qui vont bien au-delà de la maîtrise technique.
L’équipe ne s’est pas arrêtée là et propose aussi une visite virtuelle (créée par Gilles Lugez, professeur de technologie) de leur établissement qui permet aussi de le visualiser dans son contexte. (en bas de l’article)
La rencontre s’achève et c’est à regret que l’on se quitte. Le collège continuera le projet avec des élèves ambassadeurs du harcèlement au collège dès la rentrée prochaine.
Une belle journée, passée « Dans les yeux de l’autre » à explorer les faces cachées de la réalité du harcèlement scolaire. On est forcément touchés et on repart convaincus que les choses vont changer car la prise de parole et de conscience y ont été facilitées. Un travail totalement ancré dans le réel qui s’est épanoui, a pris vie dans le virtuel et qui a vocation à prendre de l’ampleur.
Un grand merci à M Degouve, et M Fourquet, chefs d’établissement et à tout le personnel du collège pour leur accueil et leur disponibilité.