Le jeu dans les apprentissages.
La question de l’engagement des élèves par le jeu est une question qui se pose à de nombreux niveaux et depuis de nombreuses années maintenant. A regarder les élèves des classes primaires qui découvrent, manipulent et s’amusent pour apprendre, il paraît évident que cette approche leur permet de s’investir dans les tâches sans se poser la question des apprentissages. Ils le font de manière naturelle et sans a priori.
Manipuler des objets permet d’aborder des concepts abstraits et de les rendre plus compréhensibles comme en mathématiques par exemple. C’est l’objet de ce mémoire qui s’attache à démontrer les avantages et les limites de ces pratiques.
(Villani-Torossian, 2018)« enseigner les mathématiques aux plus jeunes ne peut se faire sans leur faire expérimenter des situations. Le vécu expérimental et manipulatoire des élèves favorise l’acquisition des connaissances et leur mémorisation » (ibid, p.58).
Ces approches pratiques ne sont pas nouvelles et se retrouvent dans les pédagogies développées par Freinet et Montessori qui proposent aux élèves de mobiliser leurs sens et leurs corps dans les phases d’apprentissage et de découverte.
La ludification.
Ludifier ou gamifier sa pédagogie ne signifie pas sacrifier les objectifs d’apprentissage, bien au contraire. Il s’agit plutôt d’engager les apprenants dans une démarche de découverte et de questionnement qui se retrouve dans tous les jeux de stratégie. On se pose des questions, interroge ses connaissances, prend des risques ou des positions, individuellement ou en groupes. Le succès des escape game est une preuve que la fouille, la recherche d’indices, la résolution d’énigmes poussent les apprenants à mobiliser tous leurs sens et leur intelligence pour découvrir un éventuel trésor. La récompense peut être matérielle ou simplement la découverte de nouvelles choses. Sur cette découverte, l’enseignant peut bâtir de nouveaux contenus et s’en servir pour continuer la séquence en adoptant un autre style.
Se pose la question de la motivation extrinsèque ou intrinsèque qui anime les élèves. Dois-je prévoir un trésor, une récompense à chaque fois qu’un gagnant est désigné ? L’esprit de compétition doit-il toujours être présent dans la classe ? Pouvons-nous envisager l’enseignement sous une forme uniquement attractive ? Que se passe-t-il quand les élèves échouent ? Comment gérer la frustration et la déception et ne sont-elles pas contre-productives ?
Enseignant ou « Game master » ?
Est-il raisonnable de considérer ou d’enfermer le rôle de l’enseignant dans celui d’un animateur de jeu ?
Le dernier numéro de Cerveau et Psycho du mois d’avril questionne ces problématiques sous l’angle de la réalité virtuelle.
Myriam Schlag, l’auteure, souligne les effets du jeu sur la motivation des élèves. Elle cite entre autres jeux Classcraft, une version gamifiée de la classe avec des épreuves et des parcours à accomplir. Cette plateforme aide les élèves à adapter leur comportement et à faire de bonnes décisions. Le suivi des élèves demande beaucoup d’engagement car animer un jeu demande beaucoup d’investissement. Pour préparer les séquences de jeux, pour accompagner les élèves, pour les observer, pour leur faire des recommandations et finalement pour revenir avec les élèves sur ce qui a bien ou moins bien fonctionné. Eventuellement gérer la déception si les équipes ne sont pas victorieuses. C’est dans cette phase, la plus importante que l’on remet l’activité dans son contexte pédagogique.
C’est à l’origine un enseignant du Canada qui souhaitait améliorer l’attention de ses élèves qui a créé cette plateforme qui a connu un grand succès.
Dans le PAF, une formation « Escape game ou enseigner autrement » dans le volet numérique et transversal permet aux enseignants de tous les niveaux d’apprendre à utiliser ces outils dans leur pédagogie en mode immersif très apprécié. Une réflexion est lancée et permet de re-calibrer des séquences pédagogiques en mode ludifié sans sacrifier ni les apprentissages ni les contenus.
Un autre outil est présenté, Quizalize, un créateur de quiz interactif qui permet aux joueurs de se confronter par questions interposées. L’interface visuelle est attrayante.
Si le temps manque, un buzzer en ligne avec des questions posées à l’oral pourra aussi faire l’affaire grâce à l’outil en ligne digitale qui ne nécessite aucune inscription ni pour l’enseignant ni pour les joueurs.
Conversations entre pairs.
Un aspect qui n’est pas abordé dans l’article est de les détourner pour générer des conversations autour des réponses aux questions.
L’enseignant choisit une première question difficile à laquelle les élèves peuvent réfléchir et même consulter leurs ressources. Ils répondent et discutent ensuite de la probabilité de bonne réponse. Ce moment d’échanges peut être intéressant en langues, mais aussi pour confronter les opinions. On sort de l’immédiateté de la bonne réponse et on laisse le temps aux élèves de formuler la meilleure réponse.
L’auteure signale que la compétition peut être un levier en groupes mais n’est pas nécessaire en individuel. L’élève développe plus d’intérêt aux apprentissages s’il sent les bénéfices personnels que cela lui apporte. Sans stimuli extérieur, il s’engage volontairement dans une suite d’efforts et n’a pas besoin de connaître sa performance.
Une chimère ?
Jouer pour apprendre, on aimerait y croire. Derrière ces activités se cache un maître du jeu qui, invisible, tisse tous les fils d’un tapisserie complexe. Quand le tapis est assez solide, l’imagination pourra peut-être le faire s’envoler.